Évaluer l’aléa sismique c’est estimer les mouvements sismiques attendus dans une région ou sur un site particulier, leurs niveaux ainsi que leurs périodes de retour. Les tremblements de terre passés et leurs effets sont analysés afin de répondre à certaines questions telles que « quelle est l’accélération du sol ayant 10 % de chance d’être dépassée dans les 50 prochaines années dans une région d’intérêt ? ».
Les 3 grands domaines de recherche et de développement dans le domaine de l’évaluation de l’aléa sismique sont :
1. La quantification du potentiel sismogène des sources sismiques
L’hypothèse principale qui régit l’évaluation de l’aléa sismique est celle supposant que les séismes passés peuvent se reproduire dans la région où ils sont déjà survenus. Il est donc très important de s’attacher à décrire les tremblements de terre du passé. Pour caractériser les sources les plus récentes, les études s’appuient sur des données instrumentales, c’est-à-dire des séismes caractérisés à l’aide de sismogrammes (depuis 1962 en France). La caractérisation d’évènements s’étant produit durant la période historique s’appuie sur la base SisFrance qui répertorie tous les séismes connus sur le territoire métropolitain (les plus anciens datent du VIème siècle) et recense, pour chacun, les effets ressentis par la population ainsi que les dégâts provoqués sur les constructions.
En France, les forts séismes sont peu nombreux et ne se reproduisent que rarement au même endroit à l’échelle instrumentale et historique. On ne peut donc pas espérer avoir une image exhaustive de la sismicité potentielle d’une région à l’aide des seules données de sismicité instrumentale et historique. La recherche d’indices néotectoniques, de paléoséismes ainsi que l’exploitation de mesures de déformation sont donc des compléments indispensables à l’analyse de la sismicité passée.
L’identification des failles responsables des forts séismes du passé complétée par l’étude des structures à même de porter les grands séismes du futur sont des préalables nécessaires à une meilleure définition de l’aléa sismique. Ces études, parce qu’elles s’attachent à comprendre le fonctionnement des failles sur plusieurs échelles de temps (de la seconde aux derniers millions d’années) et d’espace (de l’affleurement géologique local à la plaque tectonique qui le porte) font appel à plusieurs disciplines. Les études néotectoniques et paléosismologiques permettent de caractériser l’activité des failles par l’estimation de leurs vitesses de glissement à l’échelle des temps géologiques et des déplacements incrémentaux générés par les ruptures de surface répétées des forts séismes qu’elles ont générés. L’étude de la sismicité historique, la sismologie opérationnelle et la géodésie tectonique complètent cette connaissance au travers de la caractérisation des sources sismiques et du comportement mécanique actuel des failles. La confrontation de toutes ces observations et mesures permet d’estimer le potentiel sismogène des failles au travers de la détermination des magnitudes et temps de retour des séismes qu’elles produisent.
2. La prédiction du mouvement sismique
L’acquisition de données de mouvements sismiques forts et la modélisation numérique permet de mieux comprendre la variabilité du mouvement sismique en champ proche, c’est à dire dans les zones les plus vulnérables.
En France, la sismicité est modérée et l’établissement d’équations de prédiction empiriques (Ground Motion Prediction Equations, GMPEs) est délicat puisque, aucun enregistrement de séisme majeur à courte distance n’existe. La prédiction se fait en général en utilisant des relations construites à partir des bases de données d’autres régions du monde ayant des caractéristiques sismotectoniques comparables et étant compatibles avec les rares données acquises sur notre territoire. Cette approche n’est pas toujours valide puisque l’atténuation varie assez rapidement selon le contexte sismotectonique, même au sein d’un pays aussi petit que la France. La simulation des mouvements du sol peut permettre de fournir les estimations manquantes pour les séismes forts et produire des accélérogrammes réalistes utiles pour le dimensionnement des ouvrages.
3. L’étude des effets de site
Le terme « effet de site » se réfère à l’amplification ou à l’atténuation du mouvement sismique à la surface causée par les caractéristiques locales du site.
Ces 3 domaines de recherche et de développement s’attachent à quantifier les incertitudes (tant du point de vue des données de base que des méthodes), condition nécessaire aux approches probabilistes (évaluation de type PSHA – Probabilistic Seismic Hazard Assessment) comme donnée d’entrée des Etudes Probabilistes de Sûreté.
Évaluation probabiliste de l’aléa sismique
La majorité des réglementations actuellement en vigueur dans le monde, que ce soit pour le risque “normal” ou les installations à caractère industriel ou nucléaire, demande explicitement une approche probabiliste dans l’évaluation de l’aléa sismique (Agence Internationale de l’Energie Atomique, grands barrages, risque normal en France, réglementation européenne, Eurocode 8…). L’institut SEISM travaille sur cette méthodologie probabiliste et dispose d’outils opérationnels pour évaluer l’aléa sismique sur un site donné.
La méthode probabiliste nécessite une description suffisamment élaborée du modèle sismotectonique, parfois difficile à réaliser d’après les connaissances de la sismicité et de la tectonique, notamment dans des contextes de sismicité modérée comme le domaine intraplaque. Il existe des méthodes sans zonage qui s’appuient uniquement sur la sismicité observée, ses corrélations spatiales et son taux de récurrence. Elles supposent que les événements futurs se produiront vraisemblablement dans le voisinage de ceux du passé. Ces principes, bien qu’intégrés dans un calcul probabiliste, sont très proches de l’approche déterministe. Leur limite reste donc que, dans les zones peu actives comme la France métropolitaine, l’activité n’est pas suffisamment élevée et le cycle sismique pas suffisamment court, pour que l’échantillon de sismicité observée puisse représenter une hypothèse fiable du potentiel sismique. Dans ces contextes, des méthodes fondées sur une interprétation plus complète de la sismotectonique sont généralement privilégiées. La contrepartie est que toutes les incertitudes dues au manque de connaissances et de données doivent être prises en compte afin de refléter le niveau de confiance le plus plausible. Cela nécessite un recueil d’expertise méthodique, raisonné et cohérent à toutes les étapes de la modélisation et du calcul. Or, il est encore difficile d’identifier et de discriminer les différents facteurs d’incertitudes dans la définition des sources, la prédiction du mouvement et les effets de site. La modélisation de ces incertitudes est un enjeu essentiel de l’évaluation probabiliste.
Les mouvements du sol que des installations pourraient subir pendant leur durée de vie issus des évaluations d’aléa servent ensuite au dimensionnement parasismique des structures.
Lien avec le génie parasismique
Un dernier domaine de recherche propre à l’interface entre l’aléa sismique et la vulnérabilité des structures se dégage au travers de l’étude des “indicateurs pertinents”, à savoir quels paramètres du mouvement sismique sont pertinents pour caractériser l’endommagement d’une structure ou d’un équipement donné ? L’usage du seul spectre de réponse ou de plancher ou de valeurs telles que le pic maximal d’accélération ne suffit pas à décrire le potentiel de nocivité d’un signal sismique.